La décision médicale partagée (DMP) est de plus en plus préconisée comme le modèle privilégié pour faire participer les patients au processus de prise de décision concernant le diagnostic, le traitement ou le suivi 1. Ce concept revêt un intérêt tout particulier dans la prise en charge de la dermatite atopique (DA) modérée à sévère. En effet, on assiste actuellement à un élargissement de l’éventail thérapeutique qui s’offre aux médecins/patients avec l’avènement des thérapies innovantes, et ce dans un contexte de médecine de plus en plus personnalisée 2, de prise en charge globale et d’un recentrage sur le vécu du patient 3.


COMMENT SE CONSTRUIT LA DÉCISION MÉDICALE PARTAGÉE 1,4?

Il s’agit d’un processus basé sur une collaboration patient-médecin où le patient est informé qu’une décision doit être prise et que son opinion est importante. Le médecin commence par présenter les différentes options thérapeutiques envisageables avec une explication des limites et des effets indésirables de chaque traitement.
Ensuite, une étape de discussion avec le patient va permettre de définir ses préférences, ses attentes et ses objectifs.


Enfin, pour clôturer l’échange, une stratégie thérapeutique sera adoptée dans le but d’atteindre les objectifs fixés par le patient.


PRÉSENTER LA DMP AUX PATIENTS ATTEINTS DE DA 4-7

Bien que cette approche soit prometteuse, une étude récemment publiée a révélé que la moitié des patients atteints de DA n’a pas connaissance de l’existence de la DMP. 
L’éducation thérapeutique des patients (ETP) revêt ici tout son intérêt en sensibilisant les patients à la DMP et en leur donnant les moyens de participer activement aux choix thérapeutiques. En effet, selon certaines études, cette démarche permet d’améliorer significativement la qualité de vie des patients et de limiter la sévérité de la DA.


Une meilleure connaissance de l’impact de l’utilisation de la DMP sur la qualité de vie des patients et sur l’adhésion au traitement pourrrait encourager les patients/médecins à y avoir recours à chaque fois que la situation s’y prête.


QUEL IMPACT DE LA DMP SUR LA PRISE EN CHARGE DE LA DA 2,4-6 ?

La décision médicale partagée trouve son utilité quand les options disponibles sont comparables en ce qui concerne les avantages et les inconvénients. La meilleure option dépendra dans ce cas des préférences du patient, averti et informé, en tenant compte de ses comorbidités, ses attentes et ses objectifs. Ainsi, le patient devient acteur de son projet thérapeutique
En impliquant le patient dans la décision, cette approche a pour objectif d’améliorer l’observance du traitement et la gestion des effets secondaires, et in fine, de maximiser les chances de succès thérapeutique. Il s’en suit donc une plus grande satisfaction des patients et un impact positif sur leur qualité de vie.


Pour toutes ces raisons, des experts recommandent l’intégration de la DMP et du couple ETP/DMP dans la pratique quotidienne au cours de la prise en charge de la DA.


CONDITION À L’ADOPTION DE LA DMP : RÉCONCILIER PERCEPTION DU MÉDECIN ET CONNAISSANCES DU PATIENT 5,8 ?

Patients et médecins peuvent avoir des freins à l’adoption d’une telle méthode. Une enquête, réalisée auprès de dermatologues et de patients atteints de DA ou de psoriasis aux Pays-Bas, publiée en 2020 met l’accent sur les limites à l’utilisation de la DMP et  a permis de révéler des différences dans la perception du niveau de connaissances des patients en matière de DA : ainsi quand plus de 80% des patients estiment qu’ils ont un niveau de connaissance suffisant pour  participer à la décision, seulement 40% des dermatologues considèrent que les compétences des patients sur la maladie et les options de traitements leur permettent de prendre part aux choix thérapeutiques. 
L’ETP s’avère être un atout majeur palliant les réticences des médecins dans ce domaine en permettant aux patients d’acquérir les compétences dont ils ont besoin pour participer à la prise de décision.
Le deuxième frein rapporté par cette même étude est le rallongement de la durée des consultations. En effet, ce processus qui demande une phase d’écoute du patient, d’explication des options thérapeutiques et d’échange avant de prendre la décision finale peut s’avérer très chronophage.


Des outils existent et peuvent permettre d’intégrer la DMP dans la pratique quotidienne tout en limitant son impact sur la durée de la consultation.


QUELS OUTILS POUR FACILITER L’INTÉGRATION DE LA DMP DANS LA PRATIQUE QUOTIDIENNE DU MÉDECIN ?

Des supports d’aide à la décision, sous forme de documents explicatifs, ont récemment été élaborés dans différents établissements. Ces outils sont particulièrement appréciés par les patients et sont utiles pour améliorer la gestion durable des soins. Ils permettent aussi de limiter le rallongement des durées des consultations inhérent à la pratique de la DMP 5
En se basant sur des données scientifiques, ces supports permettent d’informer les patients / soignants sur les multiples options de traitement en énumérant les avantages, les risques et les incertitudes associés à chaque option 6. Dans cette optique, certaines équipes ont développé des outils d’aide à la décision, sous forme d’aperçus des différentes options thérapeutiques possibles, à utiliser comme support d’échange médecin-patient lors des consultations.  Ce sont des outils compacts (souvent une page) qui fournissent les informations les plus importantes afin d’avoir une vision globale 9.


Au cours de l’élaboration de ces supports, il est conseillé de se référer aux recommandations internationales tout en les adaptant à la disponibilité des thérapies dans chaque pays 9.


L’APHP (assistance publique des hôpitaux de Paris) a lancé en novembre 2021 une étude dans le but de développer et d’intégrer la DMP dans les consultations de routine, à l’aide d’un outil d’aide à la décision appelé SHADOW. Cette étude a pour but d’évaluer à la fois cet outil et la satisfaction des patients quant à la DMP. 10


PARTAGE D’EXPÉRIENCE ET ÉCHANGES INTERDISCIPLINAIRES : DES CLÉS DANS L’INTÉGRATION DE LA DÉCISION MÉDICALE PARTAGÉE DANS LA PRISE EN CHARGE DE LA DA 5

Outre l’utilisation des outils d’aide à la décision, la réalisation de simulation de consultations avec des acteurs ou des collègues formés à la DMP peut faciliter l’adoption en routine de cette méthode.


Pour garantir une prise en charge optimale, cet apprentissage devra inclure l’ensemble des professionnels de santé impliqués dans la prise en charge de la DA.



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  1. Stiggelbout A, Pieterse A, De Haes J. Shared decision making: Concepts, evidence, and practice. Patient Educ Couns 2015;98(10):1172-9. doi: 10.1016/j.pec.2015.06.022. PMID: 26215573.
  2. Petrou I. Shared decision-making improves atopic dermatitis treatment [Internet]. American College of Allergy, Asthma and Immunology. 2021 [cité 15 déc 2021]. Disponible sur: https://www.healio.com/news/allergy- asthma/20211107/speaker-shared- decision-making-improves-atopic- dermatitis-treatment;
  3. Boghen P. Nouveautés dans la prise en charge de la dermatite atopique [Internet]. ResoEczema. 2021 [cité 20 déc 2021]. Disponible sur: https://www.resoeczema.fr/2021/06/03/n ouveautes-dans-la-prise-en-charge-de- la-dermatite-atopique;
  4. Boguniewicz M, Alexis AF, Beck LA, Block J, Eichenfield LF, Fonacier L, et al. Expert Perspectives on Management of Moderate-to-Severe Atopic Dermatitis: A Multidisciplinary Consensus Addressing Current and Emerging Therapies. The Journal of Allergy and Clinical. Immunology: In Practice. 1 nov 2017;5(6):1519-31.
  5. Van der Kraaij GE, Vermeulen FM, Smeets PMG, Smets EMA, Spuls PI. The current extent of and need for shared decision making in atopic dermatitis and psoriasis in the Netherlands: an online survey study amongst patients and physicians. J Eur Acad Dermatol Venereol. nov 2020;34(11):2574-83.
  6. LeBovidge J, Borok J, Udkoff J, Yosipovitch G, Eichenfield LF. Atopic dermatitis: therapeutic care delivery: therapeutic education, shared decision- making, and access to care. Semin Cutan Med Surg. sept 2017;36(3):131-6.
  7. Heratizadeh A, Werfel T, Wollenberg A, Abraham S, Plank-Habibi S, Schnopp C, et al. Effects of structured patient education in adults with atopic dermatitis: Multicenter randomized controlled trial. J Allergy Clin Immunol. sept 2017;140(3):845-853.e3.
  8. Speaker: Shared decision-making improves atopic dermatitis treatment [Internet]. [cité 25 janv 022]. Disponible sur: https://www.healio.com/news/allergy-asthma/20211107/speaker-shared-decision-making-improves-atopic-dermatitis-treatment;
  9. Vermeulen FM, Kraaij GE van der, Tupker RA, Bijlsma A, Blaauwbroek H, Das F, et al. Towards More Shared Decision Making in Dermatology: Develop-ment of Evidence-based Decision Cards for Psoriasis and Atopic Eczema Treatments. Acta Derm. 1 déc 2020;100(19):1-8.
  10. Assistance Publique - Hôpitaux de Paris. Creation of a Shared Medical decision-making Tool for Atopic Dermatitis [Internet]. Clinicaltrials.gov; 2021 oct [cité 14 déc 2021]. Report No.: NCT05090982. Disponible sur: https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT05 090982;

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