Pr Xavier Hébuterne
Gastro-entérologue
CHU de Nice


Evelyne Eyraud
Diététicienne-nutritionniste
CHU de Nice

Édito des experts

L’augmentation considérable de l’incidence des MICI, surtout chez les enfants et dans les pays en voie d’industrialisation, est expliquée par l’existence de facteurs environnementaux qui favorisent la survenue d’une MICI sur un terrain génétiquement prédisposé1. Parmi ces facteurs environnementaux, l’alimentation est au premier plan. Il est ainsi logique de penser que les MICI sont en partie liées à ce que nous mangeons et des études épidémiologiques ont montré qu’une alimentation riche en fruits et légumes et en acides gras n-3 provenant des poissons est associée à un risque plus faible de MICI2. A l’inverse, une alimentation plus riche en viande rouge, en sucre, boissons sucrées et confiseries et une consommation basse en légumes et légumineuses augmentent le risque de MICI3. Plus récemment, on a évoqué le rôle possible d’additifs alimentaires et créé le concept d’aliments ultra-transformés (AUT). Les AUT sont fabriqués industriellement et enrichis avec des additifs (stabilisants, conservateurs, épaississants, émulsifiants, exhausteurs de goût, colorants) à des fins gustatives, technologiques ou cosmétiques4. Ces produits sont consommés sous forme de collations, desserts ou plats cuisinés : confiseries, biscuits, gâteaux, crèmes glacées, boissons sucrées (sodas), produits laitiers sucrés, pains industriels, plats préparés, pépites (nuggets) de volaille ou de poisson, hot-dogs et autres produits à base de viande reconstitués, soupes en briques, céréales du petit-déjeuner, édulcorants artificiels (avis d’experts)… Ils sont riches en acides gras saturés, sucres, sodium et pauvres en fibres alimentaires. La consommation des AUT a considérablement augmenté au cours des dernières décennies, plus particulièrement dans les pays industrialisés4. Les AUT sont associés à un déséquilibre alimentaire et sont accusés d’avoir un effet négatif sur la santé. Dans les MICI, des études expérimentales5 et épidémiologiques4 récentes suggèrent que les AUT pourraient jouer un rôle par le biais d’une modification du métagénome bactérien et du métabolome.

La prise en charge d’une MICI doit intégrer le sujet de l’alimentation. Dans un premier temps, il faut savoir quel est le mode alimentaire de son patient afin de dépister d’éventuelles erreurs. Les principales erreurs alimentaires que l’on rencontre chez les malades sont la prolongation d’un régime sans résidu après une poussée de la maladie, l’élimination systématique d’aliments tels que le gluten, le lactose, les fruits et légumes, voire la viande, dans l’espoir de prévenir une poussée, le régime sans sel strict au cours d’une corticothérapie alors qu’il aurait été préférable d’augmenter les protéines et de réduire les graisses, la prise de compléments alimentaires au long cours sans avis médical et les régimes anti-inflammatoires pris sans accompagnement (avis d’experts). Le médecin doit aborder le sujet de l’alimentation dès la première consultation. Il doit être proactif et ne pas attendre que son malade lui en parle et lui annonce qu’il suit tel ou tel régime découvert sur internet ou grâce aux conseils d’amis. Il faut essayer d’en savoir plus sur ce que le patient mange afin de l’accompagner dans un éventuel changement des habitudes alimentaires. Il faut prodiguer des conseils de bon sens et les personnaliser (avis d’experts). L’imprimé type au logo du service ou du cabinet avec le « régime type MICI » n’existe pas, il faut l’expliquer au malade qui bien souvent l’attend. Il faut privilégier une alimentation plaisir plutôt qu’une alimentation sanction en adaptant les conseils à l’état digestif (poussée, stomie, grêle court, rémission…) et aux préférences du patient. Il est possible de s’aider d’outils (livret, fiches…). Il est aussi très souvent utile voire indispensable d’orienter le patient vers des ateliers diététiques, une consultation diététique, un programme d’éducation thérapeutique ou vers des plateformes où l’information est validée (MICI Connect par exemple). Il est nécessaire également de peser le malade à chaque consultation et détecter les carences (fer, Vit B9, Vit B12, Vit D, Zinc) (avis d’experts).

La nutrition entérale exclusive est le traitement de premier choix pour une MC luminale active chez l’enfant6. Chez l’adulte, elle est utilisée en cas de maladie active en échec des thérapies actuelles, en cas d’abcès et, en préopératoire, où il a été bien démontré qu’elle diminuait les complications post-opératoires7. Plusieurs régimes d’exclusion ont été évalués récemment au cours de travaux qui nécessitent cependant d’être confirmés. Par exemple, le « Crohn’s Disease Exclusion Diet » repose sur ce principe de l’éviction d’aliments potentiellement pro-inflammatoires6. Tout AUT est exclu et le régime est basé sur l’utilisation d’aliments supposés anti-inflammatoires (les œufs, le blanc de poulet, le poisson maigre, des pommes de terre cuites et refroidies, du riz blanc, des condiments et quelques fruits) en complément d’un mélange nutritionnel en poudre reconstitué couvrant 50 % des besoins énergétiques6.

Longtemps, parent pauvre de la prise en charge des MICI, la prise en charge nutritionnelle a une place indiscutable dans la stratégie thérapeutique. La place du diététicien nutritionniste est centrale pour aider le praticien et accompagner le patient (avis d’experts).