Interview de Sonia Tropé

La directrice de l’ANDAR depuis plus de 20 ans nous parle de la prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde


Principes généraux du « Treat-to-Target » exprimés en langage patient (1)

Les décisions relatives au traitement de la PR doivent être prises conjointement par le patient et le rhumatologue.

L’objectif thérapeutique le plus important est d’optimiser la qualité de vie à long terme. Cela peut être atteint par :

  • Le contrôle des symptômes de la maladie, tels que la douleur, l’inflammation, la raideur et la fatigue,
  • La prévention des lésions articulaires et osseuses
  • La récupération d’une fonction normale des articulations
  • La participation aux activités de la vie quotidienne

Le moyen principal pour atteindre ces objectifs est de stopper l’inflammation des articulations.

Les traitements de la PR fonctionnent mieux s’ils sont associés à un objectif précis en termes d’activité de la maladie.
Il est possible d’y parvenir en mesurant l’activité de la maladie et en adaptant le traitement si l’objectif n’est pas atteint.



Priorités du patient vis-à-vis de sa prise en charge (2)

Selon une enquête réalisée auprès de patients hollandais atteints de PR (N=1132), les 5 aspects les plus importants des soins rhumatologiques à leurs yeux sont :

  1. L’ajustement du traitement en fonction de l’activité de la maladie (78%)
  2. L’intérêt pour la vie personnelle des patients (70%)
  3. La prise de décision partagée (70%)
  4. L’éducation sur l’évolution attendue de la maladie (63%)
  5. Des informations relatives aux comorbidités et aux interactions médicamenteuses (61%)


Attentes du patient vis-à-vis de sa prise en charge (3)

Bonne communication entre le patient & son rhumatologue

Une étude multicentrique menée en Suède a révélé qu’une bonne relation entre le patient et son rhumatologue joue un rôle prépondérant dans le degré de satisfaction vis-à-vis du traitement de la PR. Elle s’accompagne d’un respect mutuel, d’une plus grande confiance du patient dans son traitement et d’une diminution de son inquiétude.

Expertise reconnue du rhumatologue & du patient

Le professionnel de santé est reconnu comme un maître dans son domaine mais le patient souhaite également être considéré comme un expert de son corps et de sa vie avec une PR. Il s’attend à être perçu comme un partenaire précieux par son équipe soignante.

S’il entretient une relation de qualité avec son rhumatologue et que son expertise est reconnue à sa juste valeur, le patient atteint de PR est alors plus enclin à se mobiliser pour faire face à sa pathologie et à participer activement à la prise en charge de sa PR.



Discordances entre la perspective du patient et celle de son rhumatologue (4,5)

Évaluation de la maladie (4)

Une étude brésilienne (REAL) menée auprès de 1115 patients a mis en exergue l’écart qui peut exister entre l’évaluation globale de la PR par le médecin et celle du patient. Des désaccords ont été identifiés dans un tiers des évaluations, dans 80% des cas il s’agissait d’une discordance positive (c’est-à-dire que l’évaluation du patient était surestimée par rapport à celle du médecin). Les facteurs qui provoquaient ces différences d’estimation étaient la douleur et la fonction physique (côté patient) et le gonflement des articulations (côté rhumatologue). Ces données montrent à quel point les perspectives des patients et des professionnels de santé peuvent diverger.

Qualité des échanges (5)

Une comparaison des perspectives du rhumatologue et du patient a été menée à une échelle internationale dans 17 pays. Elle a révélé que la qualité des échanges entre médecins et patients pouvait être améliorée. En effet, alors que 90% des médecins étaient satisfaits de leur façon de communiquer avec leurs patients à propos du traitement de leur PR, 61% des patients ne se sentaient pas à l’aise pour parler de leurs préoccupations ou de leurs craintes à leur médecin. De plus, parmi les patients ayant répondu à l’enquête, 52% estimaient qu’un meilleur dialogue permettrait d’optimiser la prise en charge de leur pathologie, et 68% des médecins souhaitaient discuter davantage avec leurs patients des objectifs thérapeutiques et du traitement de leur PR.



Freins à l’instauration du « Treat-to-Target » : la perspective du patient (6,7)

L’implication des patients est un aspect crucial de la stratégie « Treat-to-Target ». Une étude américaine portant sur plus de 6000 patients atteints de PR a révélé que 77% d’entre eux étaient satisfaits de leur traitement, bien que 47% d’entre eux présentaient des limitations fonctionnelles modérées ou sévères selon le score HAQ. (6)



Les principales raisons évoquées par les patients pour le refus de changer de traitement étaient les suivantes :

La satisfaction du degré de contrôle de la PR

La crainte des effets secondaires

La peur de perdre le contrôle de la maladie



Une enquête réalisée auprès des patients du registre ArthritisPower a révélé que les patients font en général confiance à leur rhumatologue quand ce dernier leur indique qu’un changement de traitement n’est pas nécessaire. Cela semble suggérer que les objectifs thérapeutiques du médecin sont plus importants à leurs yeux que leurs attentes personnelles. (7)

Chez les patients qui optaient pour un changement de traitement, les motivations étaient :

La sévérité et/ou aggravation des symptômes

L’objectif thérapeutique non atteint





La Décision Médicale Partagée – point de vue du patient (5,9-11)

La décision médicale partagée met en jeu deux acteurs : le patient, qui ne connaît généralement pas les options thérapeutiques et leurs résultats, et le clinicien qui ne connaît pas toujours le contexte de vie du patient, ses valeurs et ses préférences. Pour que le professionnel de santé puisse transmettre au patient une information qui lui permette réellement de participer à la décision de santé qui le concerne, il est nécessaire qu’il puisse disposer d’une information scientifique accessible à sa compréhension. (9)

Le temps de consultation (10)

Dans une étude réalisée dans 2 centres aux Pays-Bas afin de déterminer si la décision médicale partagée était appliquée dans la pratique clinique et dans quelle mesure le patient s’impliquait dans cette stratégie au moyen d’une échelle comprise entre 0 et 100 (le score moyen était de 28,3). Il a été mis en lumière qu’un temps de consultation allongé de 10 minutes était légèrement plus favorable à la prise de décision partagée.

Les aides à la décision médicale partagée (11)

L’utilisation d’un outil d’aide à la décision par des patients espagnols atteints de PR modérée à sévère, qui ne parvenaient pas à atteindre leur objectif thérapeutique, s’est avérée bénéfique. Elle semble : réduire le conflit décisionnel* des patients, faciliter la communication patient-médecin, tout en améliorant leur connaissance de la maladie et en les aidant à clarifier leurs attentes vis-à-vis de leur traitement.


Le recours aux outils d’aide à la décision ainsi que des temps de consultation plus longs pourraient potentiellement faciliter la mise en place de la décision médicale partagée dans le cadre de la prise en charge de la PR.

88 % des médecins sont d’accord pour dire que le patient impliqué dans la décision thérapeutique a tendance à être plus satisfait de sa prise en charge. (5)

* Définition du conflit décisionnel : l’incertitude quant à la ligne de conduite à adopter lorsque le choix entre des actes antagonistes implique un risque, une perte ou une remise en question des valeurs personnelles.



Lexique

HAQ : Health Assessment Questionnaire

PR : Polyarthrite Rhumatoïde

T2T : Treat-to-Target